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Pas inutile pour autant la soirée, surtout après le départ de tous, à l’exception de la concierge qui est de celles que la godaille rend joyeuse et désinhibée, même en quantité limitée. Du moins a-t-elle feinté pour me le laisser croire. Elle s’est arrangée, c’est sûr, pour se retrouver seule avec moi sur le parking, après que tous les autres s’en furent allés, quémandant avec une moue sensuelle que je la ramène chez elle. Je ne pouvais qu’accepter.
Je l’avais peu vue durant mes préparations au collège, ni lors de mes trois demi-journées de travail. Lors du repas qui venait de se terminer, elle était à une place distante de la mienne. Elle fut baigneuse, moi apprenti tireur à l’arc entre 17 heures et 19 heures. Cela explique que je n’aie pas remarqué l’énormité ni la beauté de sa poitrine qui, maintenant, caressait mes yeux à distance malgré l’éclairage réduit du parking. Les allergiques (genre grands couturiers contemporains pas forcément hétérosexuels, selon un poncif) à ce type de saillantes protubérances diraient agressaient les yeux. Je ne dois pas avoir l’apparence d’un génie de la haute couture parisienne ou new-yorkaise puisque, sûre du succès de son exhibition plantureuse – ce en quoi elle ne se trompait aucunement – elle m’a invité à la suivre au bord de l’eau pour une ultime baignade, s’est dévêtue, m’a quasi contraint à faire de même. Ses fesses harmonieuses pouvaient être celles d’une vénus hottentote blanche. Bon, je suis un peu de mauvaise foi en suggérant une contrainte. Il est vrai que je n’étais pas particulièrement dérangé par ces superbes rondeurs offertes à ma vue, offertes à davantage à coup sûr aussi. De plus, j’avais à établir d’aimables relations avec cette sculpturale égérie qui (cela me ravissait) aurait pu poser comme modèle pour les Trois Grâces de Rubens ou de Niki de Saint Phalle ; à ne pas la contrarier, surtout pas dans son intimité exubérante apte à éveiller la masculinité d’un fakir décharné tel Cipaçalouvishni – de plus, jeûneur et méditatif. Cela dit, une situation scabreuse se dessinait puisque je redoutais qu’un rapport amoureux là ou en un lieu plus conventionnel compliquât mon enquête. Elle fit des constats flatteurs sur mon anatomie masculine éveillée (un réalisme sans orgueil me pousse à dire que certaines poussent loin la simulation, y compris dans le compliment), ce qui ne laissait plus aucun doute sur la nature de ses attentes. J’en étais à me demander comment esquiver, pour le bien de l’enquête mais au mépris de ma libido, actualisation du douloureux combat entre principe de plaisir et principe de réalité. Des cris, nous importunent soudain, venant de l’est, là où un camping est garni de nombreuses tentes, caravanes et mobil-homes, tels des Smarties posées sur le dessus d’une tourte verte. Une quinzaine de jeunes hommes et femmes qui, ce soir, n’avaient pas bu que du sirop de fraises, déboulent dans notre direction en gloussant. Et nous obligent à un repli vers nos vêtements et vers le parking. Le désir est upérisé – ou refroidi, l’effet est le même. On rentre ; l’accorte femme cause beaucoup en route. Arrêt terminal à la rue de la Côte, sur sa demande au nord du collège.
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